Ecrire sur la nuit

Vous ne dormez pas, vous vous habillez, vous sortez et rencontrez quelqu'un. Raconter avec "Je" et au présent

Je referme la porte du camion et m'installe dans la cabine chauffée, dernier cri. Il fait totalement nuit, mais le tableau de bord brille de mille feux. Tous les cadrans sont éclairés, cerclés d'un bleu nuit apaisant. La pluie s'est mise à tomber encore plus fort et les essuie-glaces fonctionnent  à pleine vitesse. Me voilà de nouveau en route après deux heures d'attente dans cette station service. Le routier, sympa, m'avait demandé depuis combien de temps j'étais là avec mon sac à dos. Quand j'y pense j'ai eu une sacrée veine, me voilà tranquille pour presque deux cents kilomètres. Ma seule obligation, lui parler pour l'aider à lutter contre le sommeil. C'était le deal. "OK je t'emmène" m'avait-il dit "mais, je compte sur toi pour me parler, pour que je ne m'endorme pas" Dehors, pas un chat. Tout le monde devait être au fond de son lit à se reposer et à rêver. Il ne semblait y avoir que nous d'éveillé, à discuter de tout et de rien, de la vie, du boulot, de la famille...Et dans les moments de silence, j'observe la route. Je suis surpris de traverser tous ces villages fantômes. Pas âme qui vive et pourtant les feux tricolores continuent à jouer la même partition: rouge, vert et orange sans autre spectateur que ce trente huit tonnes à la cabine dernier cri. Je me sens bien à l'abri avec la route qui défile. La lumière des feux et des panneaux se reflète sur le sol mouillé et accentue ce contraste ente la nuit noire et ces petits cailloux parsemés le long de notre route pour éviter de nous perdre dans ce néant obscur prêt à tout engloutir.  Parfois en traversant certains villages, quelques lampadaires éclairent encore des trottoirs déserts, évitant de plonger l'endroit dans une noire et profonde.